Guillaume Pellicier et l'avènement du protestantisme
Né vers 1490, Guillaume Pellicier succède à son oncle comme évêque de Maguelone en 1527. Ce savant très érudit et passionné d'histoire naturelle est également conseiller du Roi et ambassadeur de François Ier à Venise entre 1537 et 1542. En tant qu'évêque catholique, il doit faire face aux abus menés par les membres du clergé et à la montée du protestantisme dans son diocèse.
Martin Luther, moine allemand, dénonce ces dysfonctionnements et ce qu'il considère comme des dérives dans l'Église catholique pour lesquelles il propose des réformes. La plus importante de ces accusations porte sur les Indulgences. L'indulgence est une remise partielle ou totale des peines que l'âme du pécheur pardonné aurait encore à subir au Purgatoire avant d'accéder au Paradis. Dans l'Église catholique, les papes et les évêques sont habilités à associer les Indulgences à des pratiques de piété comme les pèlerinages. Cependant, dans la pratique, les fidèles payent pour accéder au paradis. Parmi les éléments dénoncés par Luther, on retrouve également le culte des Saints et de Marie et le mode de vie des membres du clergé. Ces derniers cumulent les charges et délaissent leurs missions religieuses comme ce put être le cas de Guillaume Pellicier.
Luther rédige les 95 thèses pour demander des débats entre théologiens sur ces pratiques. Ce texte est considéré comme un appel à la révolte par une partie de la population. Cependant, Martin Luther condamne ces révoltes comme celle des paysans en 1525.
En 1521, sa doctrine est condamnée par le pape, ce qui marque une rupture avec le catholicisme. Elle se distingue notamment de la doctrine catholique par le rejet de la hiérarchie ecclésiastique mais surtout par celui de la Transsubstantiation. C'est un dogme catholique selon lequel pendant la messe, la consécration du pain et du vin aboutit à leur transformation réelle, complète et définitive en corps et sang du Christ. L'eucharistie n'est donc pas symbolique comme chez les réformés qui parlent plutôt de Consubstantiation, c'est-à-dire que la transformation du pain et du vin en sang et corps du Christ prend fin après la Cène. Autrement dit, le pain et le vin de la cène redeviennent du pain et du vin.
Cette doctrine proposée par Luther est qualifiée de "Religion Prétendument Réformée", ou RPR, par les catholiques. Ses partisans, eux, sont appelés "luthériens" ou "réformés". Ce n'est qu'à partir de 1529 qu'on parle de "protestants" pour les désigner. Ce nom vient des princes allemands réformés qui protestent lorsque l'empereur leur demande de redevenir catholiques. Cependant, dès 1523, plusieurs courants naissent du luthéranisme comme le calvinisme, dont les fidèles sont appelés "huguenots" en France et en Suisse.
En France le protestantisme est toléré jusqu'en 1534. Les lettrés, savants, nobles et artistes de religion réformée peuvent se placer sous la protection de Marguerite de Navarre, la sœur du Roi de France. François Ier commence à percevoir le luthéranisme comme un problème à partir de 1534 et de l'affaire des placards. Ainsi dans la nuit du 17 au 18 octobre 1534, des affiches avec des textes anticatholiques ont été placardées sur la porte de la chambre du Roi au château d'Amboise et au Louvre.
À la même période, le calvinisme se répand en France. Ce courant a été créé par Jean Calvin, un théologien français et se distingue par le remplacement de la hiérarchie ecclésiastique par quatre ministères. Le pasteur annonce la parole de Dieu et distribue les deux sacrements (baptême et eucharistie). Les docteurs contrôlent les pasteurs d'un point de vue doctrinal. Douze anciens sont réunis en un Consistoire et imposent le respect d'une discipline morale stricte. Enfin, les diacres sont chargés de l'aide aux pauvres et des soins aux malades. De son côté, Guillaume Pellicier va tenter de lutter contre la diffusion de ce mouvement. Il pourchasse toutes les personnes soupçonnées de protestantisme comme sa propre nièce et commande l'impression d'un missel, un livre de prière, pour les Melgoriens.
Le lieutenant général du Languedoc, le comte de Villars, a des vues sur une des charges qu'exerce Pellicier dans une abbaye en tant qu'abbé commendataire. Un abbé commendataire est un abbé qui n'a pas besoin d'être physiquement présent dans son abbaye. En effet, la commende est la perception des bénéfices afférents à un monastère sans y exercer de charge spirituelle effective.
Le comte de Vilars s'allie donc avec deux hommes :
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Jacques de Fortia, auditeur des comptes du Roi (c'est-à-dire la Chambre des Comptes) et trésorier du chapitre cathédral de Montpellier.
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Jean de Lauzergues, surnommé Lauzergie, chanoine de Montpellier. Ce clerc assure le service liturgique et seconde l'évêque dans l'administration du diocèse.
Ce dernier est le premier à accuser l'évêque d'être partisan de la réforme protestante et d'être un pilier de sa diffusion. Cette affirmation est soutenue par Villars et De Fortia ainsi que d'autres témoins enrôlés par leurs soins. Pellicier est donc poursuivi par le Parlement de Toulouse avec un procès qui se termine en 1557.
Au cours de ce procès, plusieurs arguments sont employés contre lui pour l'accuser de protestantisme : sa proximité avec des personnes protestantes et la présence d'enfants illégitimes. En effet, la réforme protestante permet aux pasteurs d'être mariés et père de famille, il n'y a pas de célibat imposé. Il est également pointé du doigt pour avoir bénéficié de la protection de Marguerite de Navarre. Enfin, il est accusé de crime de lèse-majesté, c'est-à-dire d'atteinte à la majesté du Roi, et plus précisément d'avoir entretenu des amitiés avec des ennemis du royaume de France comme le Saint Empire Romain Germanique et le pape. Cependant, il est finalement réhabilité en 1557 et occupe ensuite d'autres charges pour le Roi avant de mourir en 1567.